UN PROPHETE A PARLE (Ben-Ezra)
AVANT-PROPOS
Bien que ces commentaires de J. Ben-Ezra, sur les prophéties de Daniel et sur l’Antichrist datent déjà de plus d’un siècle et demi, ils n’en sont pas moins totalement inconnus du public, et pour ainsi dire
inédits.
Deux éditions espagnoles complètes de l’œuvre de Ben-Ezra furent à l’origine publiées, l’une à Paris et l’autre à Londres. Cette dernière, en quatre volumes, comptant au total près de deux mille pages, fut imprimée par Charles Wood, Poppin Lane, Fleet Street, en 1816, et éditée par Manuel Belgrano, représentant diplomatique de la République Argentine. Ce dernier négociait à cette époque la reconnaissance, par le gouvernement britannique, de l’indépendance de son pays qui venait de secouer le joug de l’Espagne.
L’apparition de cet ouvrage fut saluée avec enthousiasme, aussi bien dans les milieux littéraires que dans les milieux religieux, et produisit une grande impression.
Des membres du clergé, en grand nombre, embrassèrent les vues de Ben-Ezra, et si la latitude de les propager leur eût été laissée, il n’est pas douteux que la conséquence en aurait été un réveil religieux de l’Eglise d’une incalculable portée.
Qui était Ben-Ezra ?
J.-J. Ben-Ezra n’était que le nom de plume de Manuel Lacunza, né à Santiago du Chili en 1731. Son père était Juif, il tenait un commerce et vit d’un œil indifférent le jeune garçon fréquenter un établissement d’éducation jésuite. Quand Manuel eut atteint l’âge requis, il entra dans la Compagnie de Jésus.
Sur ces entrefaites, les Jésuites furent chassés du Chili et allèrent se réfugier à Imola, en Italie. C’est là que, vers 1793, Ben-Ezra publia son œuvre capitale, intitulée : La venue du Messie en gloire et en majesté. Durant plusieurs années, cette œuvre avait circulé en manuscrit. Les pages que nous allons présenter au lecteur sont extraites de cet ouvrage.
« Le but que je me suis assigné — écrit l’auteur dans sa préface — est, en premier lieu, de réveiller les prêtres, de les obliger à secouer la poussière de leur Bible, de les convier à une nouvelle étude, à une étude plus attentive, plus profonde, du livre divin. Car, bien qu’étant le livre propre du sacerdoce, tout comme sont propres à n’importe quel artiste les instruments de son art, la Bible paraît leur être le plus inutile de tous les livres. Quel bien ne pourrions-nous pas attendre de cette nouvelle étude si elle était entreprise par tous les prêtres instruits, par tous ceux qui se sont constitués les maîtres et docteurs de l’Eglise !… »
Près d’un siècle et demi s’est écoulé depuis que cette œuvre immense a vu le jour, sans que, jusqu’ici, les sages conseils ou le bel exemple de Lacunza aient réussi à produire l’effet désiré. Il paraît évident que le bon abbé a manqué son but. Si, au lieu de parler aux docteurs de l’Eglise, il se fût adressé à la masse, il est très possible que son travail eût porté d’autres fruits, plus nombreux et meilleurs.
C’est cette erreur de tactique que nous nous proposons de réparer en publiant de nouveau en style populaire, quelques-uns des chapitres notoires de l’œuvre de Lacunza, dont le talent et les connaissances remarquables le classent parmi les plus savants spécialistes en pénétration des Ecritures prophétiques, et dont les conclusions, si magistralement développées, peuvent difficilement être réfutées.
Ben-Ezra était aussi un fervent de l’astronomie. C’est au cours d’observations qu’il mourut victime d’un accident, en 1801.
Un rarissime exemplaire de l’oeuvre de Ben- Ezra est venu en la possession de M. W. Smart, de Los Angeles, Californie, qui en a publié de longs extraits en anglais et en espagnol.
C’est à sa bienveillance et à sa généreuse autorisation que nous devons de pouvoir publier les pages qui suivent.
Qu’il trouve ici l’expression émue de notre gratitude.
Un mot reste à dire de la traduction.
Aidé d’un ami, que sa modestie m’empêche de nommer, connaissant à fond l’espagnol, langue de mon grand-père maternel, nous avons pu en venir à bout. Nous la garantissons aussi fidèle que possible.
Mais elle n’est pas mot à mot. Superposer un mot français à un mot espagnol n’eût pas été une traduction, mais bel et bien une trahison.
C’est ainsi que l’on n’a pas hésité à faire sauter mainte épithète, maint adjectif, maint superlatif, dont, on le sait, l’espagnol est prodigue, mais qui eussent gêné le lecteur français.
Aussi, dans un ouvrage où ce sont les choses qui ont une valeur absolue, puisqu’elles se réclament de l’Ecriture, on ne peut prêter aux mots qu’une valeur relative ; on ne leur demande que de laisser à l’idée son sens vrai.
Rendre exactement la pensée de Ben-Ezra, c’est ce à quoi l’on a scrupuleusement, et avant tout, visé.
La Bâtie-Rolland, Juillet 1934.